Huit ans après leur arrivée triomphale, les soldats français quittent Tombouctou

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Huit ans après leur arrivée triomphale, les soldats français quittent Tombouctou.

Tombouctou (Mali) (AFP) - Sur la modeste place d'armes du camp de l'opération Barkhane à Tombouctou, trois soldats repeignent soigneusement en blanc le socle du drapeau français dont les jours sont comptés : mardi soir, la petite base dans le nord du Mali aura été rendue à l'armée malienne.

Le départ de l'armée française de Tombouctou, après Kidal et Tessalit, marque un tournant symbolique fort : c'est dans cette ville, cité sainte de l'islam inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco, que le président François Hollande a officialisé le début de l'intervention française.

C'était le 2 février 2013, quelques jours après le largage de légionnaires sur la ville placée depuis huit mois sous le joug de groupes jihadistes. M. Hollande, débarqué de Paris, et son homologue malien à l'époque, Dioncounda Traoré, étaient tout sourire : les armées malienne et française avaient libéré la ville.

"Certains ont été emportés par l'émotion, c'étaient des femmes qui pleuraient, des jeunes qui criaient, moi-même j'étais dépassé", raconte Yehia Tandina, journaliste à Tombouctou pour la télévision publique ORTM. "Dieu nous a même bonifiés par une pluie fine ce jour-là alors que ce n'était pas la saison pluvieuse".

"Oh! C'était la joie, c'était beau", renchérit Mohamed Ibrahim. Président du conseil régional, il avait offert un chameau à M. Hollande. L'animal est resté au Mali. La légende dit qu'il a été mangé.

A l'époque, "ce camp n'existait pas, on logeait dans les petites villas en dur en face du terminal" de l'aéroport, décrit le sergent français Mathieu. Le soldat aux vingt années de service est de retour avec l'unité chargée de rendre la base aux Maliens. "La boucle est bouclée", sourit-il.

A la libération triomphale de Tombouctou, qualifiée par M. Hollande de "plus beau jour de (sa) vie politique", ont succédé plusieurs mois de traque des jihadistes dans les montagnes. L'année suivante, l'opération Serval a muté en Barkhane, avec un mandat étendu aux pays voisins.

Près de neuf ans plus tard, les groupes jihadistes ont étendu leur influence dans les brousses sahéliennes tandis que Paris, qui fait face à une hostilité grandissante dans la région, a annoncé la réduction de son engagement au Sahel (de 5.100 hommes à 3.000 à l'horizon 2022).

Alors quand l'AFP demande au caporal-chef Julien, lui aussi présent à Tombouctou en 2013, si la mission a été accomplie, il esquisse une moue dubitative. "Il faut espérer que ça aille mieux pour les civils", se contente-il de répondre.

Pour la France, qui assurait en 2013 qu'il n'y avait "pas de risque d'enlisement", le combat paraît encore long pour atteindre l'objectif énoncé alors de débusquer tous les jihadistes. Pour de nombreux Tombouctiens interrogés par l'AFP, la présence dans la région de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda, souvent des membres des mêmes communautés que les habitants, fait désormais partie du décor.

Le nombre d'attaques contre les civils est au plus bas dans la région depuis 2015, année de la signature d'accords de paix entre Bamako et des groupes rebelles du nord, selon l'ONU.

Des réfugiés nomades qui avaient fui en Mauritanie et en Algérie sont revenus. Des écoles, fermées sous pression jihadiste, ont pu rouvrir sous certaines conditions.

Aucun occidental ne peut s'y rendre, sauf à être accompagné d'une forte escorte. Les services de l'Etat, présents en ville et soutenus par l'ONU, sont largement absents des campagnes. La nébuleuse jihadiste, représentée à Tombouctou par un émirat, revendique dans sa propagande le contrôle du territoire et des coeurs.

Dans le camp de Barkhane, un coq et deux poules errent dans la zone autrefois occupée par les forces spéciales françaises, estampillée "accès restreint". Les soldats font de la manutention dans les allées de latérite rouge.

Tréteaux, antennes satellite, panneau de basket, caisses de médicaments : tout doit être expédié vers Gao, principale base française du Sahel, qui, elle, reste ouverte. Les Français laisseront derrière eux quelques tentes et de petits équipements pour les aviateurs maliens qui les remplaceront.

Le wifi a été débranché, livrant les derniers soldats français au même sort que les Tombouctiens : sans réseau ou presque, les antennes des opérateurs ayant été attaquées alentour par les jihadistes.

En ville, malgré des accès de tension récurrents et souvent meurtriers, la vie suit son cours. Les échoppes du grand marché sont autant de lieux de palabres. L'église est ouverte aux fidèles, comme les mosquées millénaires qui font la renommée de la ville dite des 333 saints.

This article was published Tuesday, 14 December, 2021 by AFP
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